(Lomé Actu )- Pour la première fois depuis sa libération en mai dernier, Noureddin Bongo Valentin, fils de l’ancien président gabonais Ali Bongo Ondimba, a choisi de s’exprimer publiquement. Dans un entretien exclusif accordé au journal britannique The Standard, il revient en détail sur les 610 jours passés derrière les barreaux après le coup d’État d’août 2023.
Entre récits de tortures, désillusions politiques et blessures intimes, celui qui fut longtemps présenté comme l’héritier du clan Bongo livre un témoignage saisissant.
« Toutes les tortures des films, je les ai subies »
Dans la vidéo diffusée par l’hebdomadaire conservateur, Noureddin Bongo apparaît métamorphosé. Plus en chair, il raconte avoir été méconnaissable à sa sortie de prison : « La première fois que ma mère m’a vu, elle m’a dit que je ressemblais à Jésus sur la croix. »
Son récit des sévices est glaçant. Il évoque des passages à tabac répétés, des coups portés aux parties génitales, l’ingestion forcée d’alcool, la simulation de noyade, des décharges électriques, le confinement dans une cellule insalubre sans lit, plongée dans le noir le jour et éclairée en continu la nuit. « On a étranglé ma mère sous mes yeux », ajoute-t-il, expliquant que ses geôliers ne cessaient de l’interroger sur « les actifs de la famille ».
Ces accusations figurent d’ailleurs dans une plainte déposée en France en mai 2024 pour « séquestration, détention arbitraire, actes de torture et de barbarie ».
Des vidéos compromettantes
Selon The Standard, Noureddin Bongo serait même parvenu à filmer discrètement ses tortionnaires grâce à des lunettes espionnes. La journaliste affirme avoir visionné une séquence dans laquelle l’un des gardes compare les coups infligés à « du yoga », avant d’ajouter que, s’il s’agissait de « vraie torture », le prisonnier ne « tiendrait pas debout ».
Libreville a toujours rejeté ces accusations, rappelant que Noureddin Bongo et ses parents font l’objet de multiples poursuites judiciaires au Gabon, notamment pour corruption et détournement de fonds publics.
« Je n’ai jamais eu d’ambition politique »
Dans l’entretien, le fils aîné d’Ali Bongo réfute toute implication dans la mauvaise gestion du pays : « Ce n’est pas ma faute si un tiers des Gabonais vivent dans la pauvreté. » Il affirme n’avoir été qu’un « bouc émissaire » commode pour justifier la chute du régime.
Formé au Royaume-Uni dans des établissements prestigieux comme Eton, il reconnaît s’être toujours senti plus britannique que gabonais. « Je ne me sentais pas toujours chez moi à Libreville », confie-t-il, ajoutant qu’il n’a jamais nourri d’ambitions politiques. Selon lui, son retour forcé au Gabon en 2018 répondait à l’insistance de son père, affaibli par un AVC et méfiant envers son entourage.
La « trahison » d’Oligui Nguema
Noureddin Bongo revient aussi sur la nuit du coup d’État, le 30 août 2023. Alors qu’il joue au baby-foot, des militaires surgissent, l’arrêtent et le séparent de sa famille. « Vous êtes finis », lui lancent ses gardes.
Pour lui, la plus grande blessure reste la trahison du général Brice Oligui Nguema, aujourd’hui chef de l’État : « J’avais complètement confiance en lui. Il venait aux anniversaires de mes enfants. Qu’il ait pu ordonner ces tortures contre moi, ça montre que n’importe qui est capable du pire. »
Il accuse en outre le nouvel homme fort du Gabon d’avoir instrumentalisé la lutte contre la corruption : « Mon père voulait réellement y mettre fin. Mais quand on voit de qui Oligui s’est entouré, on comprend qu’il ne voulait pas l’éradiquer, seulement la relancer sous son contrôle. »
Identité et héritage familial
L’ancien détenu évoque également une enfance marquée par un sentiment d’exclusion. Surnommé « le fils de la femme blanche » en référence à sa mère Sylvia, il dit avoir été moqué pour ses manières « trop occidentales » : « On disait que je dansais comme un blanc. »
Son grand-père Omar Bongo, qui a dirigé le Gabon pendant 42 ans, reste pour lui une « figure mythologique » obsédée par ses résultats scolaires. De son père, il garde l’image d’une relation « compliquée », avec une place toujours fragile au sein du clan.
Les séquelles de l’enfermement
Aujourd’hui installé à Londres auprès de sa femme et de ses enfants, Noureddin Bongo affirme souffrir de stress post-traumatique. S’il savoure la liberté retrouvée, il se dit incapable de reprendre une vie normale.