Kodjo Sévon-Tépé Adedze, jusque-là président de l’Assemblée nationale, a été nommé, le 8 octobre 2025, ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme et de l’Habitat dans le nouveau gouvernement.
Une décision qui, au-delà d’un simple jeu de chaises musicales, interroge : pourquoi faire descendre le numéro 2 de l’État au rang de ministre ?
Et surtout : que révèle ce mouvement sur la stratégie politique de Faure Gnassingbé dans la Ve République ?
Une recomposition institutionnelle inédite
Kodjo Adedze devient le premier président de l’Assemblée nationale togolaise à quitter son poste avant la fin de la mandature depuis l’accession de Faure Gnassingbé au pouvoir.
Il avait été élu à la tête du Parlement en septembre 2023, lors de la mise en place de la VIe législature, puis confirmé dans un contexte de transition vers la Ve République, adoptée au printemps 2024.
Son départ aujourd’hui marque donc une double rupture :
- sur le plan institutionnel, avec la redéfinition des rapports entre exécutif et législatif ;
- sur le plan politique, avec la fin d’une présidence parlementaire pourtant considérée comme stable et loyale.
Un geste politique… aux allures d’équilibre géographique
Originaire de Kovié, dans la préfecture de Zio (Région maritime), Kodjo Adedze partage ses racines avec le président de la République Jean-Lucien Savi de Tové, également natif de la même zone géographique.
Depuis des mois, plusieurs observateurs notaient un “déséquilibre régional” dans la répartition des hautes fonctions entre les deux hommes.
La nomination d’Adedze au gouvernement permet donc :
- de désamorcer cette double représentation maritime au sommet des institutions,
- et de rouvrir la voie à un nouvel équilibre dans la future présidence de l’Assemblée nationale.
“Il ne fait pas bon être président de l’Assemblée nationale quand le chef de l’État vient de votre propre localité”, confie un analyste togolais.
Ce jeu d’équilibre, typique du système Gnassingbé, illustre la prudence stratégique du chef de l’État dans la gestion des rivalités internes et régionales.
Le dilemme Adedze : prestige politique ou portefeuille technique ?
En devenant ministre, Kodjo Adedze perd un poste institutionnel de rang supérieur, celui de numéro 2 du protocole d’État, pour rejoindre le gouvernement comme simple ministre.
Mais il hérite d’un portefeuille sensible et structurant : l’Aménagement du territoire et l’Urbanisme, à un moment où le Togo veut repenser la planification urbaine, le logement social et la modernisation de ses infrastructures.
Ce ministère, placé désormais sous la Présidence du Conseil, sera au cœur de la politique d’aménagement de la Ve République.
Faure Gnassingbé confie donc à Adedze un poste technique mais stratégique, avec des implications économiques majeures :
- pilotage du schéma national d’aménagement du territoire,
- développement urbain de Lomé et Kara,
- encadrement du foncier public et privé.
👉 Un pari risqué mais calculé : Adedze passe de l’arbitrage institutionnel à la mise en œuvre opérationnelle de la nouvelle gouvernance territoriale.
Une succession ouverte à l’Assemblée nationale
Le départ d’Adedze ouvre la voie à une élection prochaine d’un nouveau président de l’Assemblée nationale.
Selon la logique des équilibres régionaux en vigueur, le futur titulaire pourrait provenir :
- soit des Plateaux,
- soit de la Région centrale,
les deux zones encore absentes du trio de tête institutionnel : - Président du Conseil (Faure Gnassingbé) – Région de la Kara,
- Président du Sénat – Région des Savanes,
- Président de la République (Jean-Lucien Savi de Tové) – Région maritime.
Reste à voir si Faure Gnassingbé respectera cette tradition non écrite d’équilibre géopolitique, ou s’il optera pour un choix plus politique que géographique, comme il l’a déjà fait par le passé.
Un signal clair : la loyauté récompensée autrement
Kodjo Adedze reste une figure respectée de la majorité présidentielle (UNIR).
Ancien ministre du Commerce, puis de l’Urbanisme avant de présider l’Assemblée, il a toujours incarné la continuité du système Gnassingbé.
Son retour à l’exécutif, loin d’être une sanction, traduit sans doute :
- une reconfiance dans sa gestion technocratique,
- mais aussi une manière de fluidifier le haut commandement politique à l’aube de la Ve République.
Dans la logique du régime, il s’agit moins d’un “déclassement” que d’une rotation stratégique des postes pour consolider le noyau fidèle autour du Président du Conseil.
