Lomé Actu, 17 décembre 2024 – Au Kenya, le 17 décembre est devenu un jour symbolique pour les travailleurs et travailleuses du s3xe. Cette date leur permet de sensibiliser l’opinion publique à leurs réalités difficiles et à leurs revendications pour un meilleur respect de leurs droits.
Des conditions de travail marquées par la violence
La prosti!tution étant illégale dans le pays, les travailleurs du sexe se retrouvent souvent sans recours face aux nombreuses violences qu’ils subissent. Agnès Mukina, qui exerce ce métier à Thika, dans le comté de Kiambu, raconte ses expériences traumatisantes :
« Un client m’a agressée, il a refusé de me payer, m’a frappée et violée avant de s’enfuir. Malgré ma peur, je continue, car je n’ai pas d’autre moyen pour subvenir à mes besoins. »
Le siège de Kiaswa, l’Alliance des travailleurs du sexe de Kiambu, offre un espace de soutien pour ces personnes. Clavian Kiangari, une jeune mère, y trouve du réconfort et de l’aide juridique :
« Ce travail me permet de payer la nourriture, les études et le logement pour mes enfants, même si le poids des traumatismes reste lourd à porter. »
Un combat pour la justice
Le chemin vers la justice est semé d’embûches. Beaucoup de victimes renoncent à porter plainte, faute de reconnaissance ou de moyens financiers pour affronter les démarches. Selon Purity Njoki Kibochi, chargée de plaidoyer au sein de Kiaswa :
« Les policiers nous demandent souvent comment une prostituée pourrait être victime de viol. De plus, ils réclament de l’argent pour enquêter, ce que nous n’avons pas. Pourtant, nous sommes des êtres humains et notre travail mérite le respect. »
Depuis sa création en 2019, l’organisation a réussi à obtenir 30 condamnations, un chiffre modeste face au nombre de plaintes déposées.
L’impact de la loi actuelle
L’article 165 du code pénal kenyan criminalise la prostitution et prévoit des peines pouvant aller jusqu’à 14 ans de prison. Cette législation rend la situation des travailleurs du sexe encore plus précaire, comme l’explique Jessica Laura, une travailleuse du sexe transgenre et directrice de programme à Kiaswa :
« Si la loi changeait, la police serait obligée de nous protéger et les travailleurs de la santé cesseraient de nous discriminer. Aujourd’hui, nous sommes marginalisés et vulnérables face aux violences. »
Pour Jessica Laura, la décriminalisation représenterait une avancée significative :
- Elle permettrait de mieux protéger les travailleurs contre les agressions.
- Elle faciliterait l’accès aux soins de santé.
- Elle renforcerait leur pouvoir de négociation avec les clients.
Elle ajoute avec ironie :
« Beaucoup de ceux qui nous stigmatisent — politiciens, policiers et figures publiques — sont eux-mêmes nos clients. Il s’agit avant tout d’hypocrisie sociale. »
Un combat qui se poursuit
Malgré un premier recours en justice rejeté, Kiaswa continue de militer pour la décriminalisation. Ce changement législatif pourrait améliorer la sécurité, la dignité et l’accès aux droits fondamentaux des travailleurs du sexe au Kenya.
En attendant, ces derniers restent déterminés à se faire entendre et à lutter pour leur reconnaissance dans une société où leur métier reste largement tabou.